Coutumes Californiennes

 

Il faut se rendre à l’évidence, je ne suis peut-être pas parfaitement taillé pour la vie sociale. J’ai pourtant compulsé maints écrits de la Baronne de Rothschild traitant de la manière de ramasser une vieille sans se salir, de sourire niaisement à un vieux qui s’est oublié sur une banquette, d’aider un sourd à traverser la rue… mais je n’ai jamais trouvé le moindre ouvrage éclairant sur la façon d’appréhender la bêtise humaine sans se rendre odieux.

Quand je prends le temps (et le risque mental) d’y réfléchir, environ dix minutes par an, je me dis que je ne suis, sans doute, pas assez respectueux ou tolérant. Il faut respecter les différences de l’autre me dis-je dans ces moments. Mais, parfois, le résultat obtenu n’est pas celui escompté, loin s’en faut… Ainsi, lors de mon séjour en Californie, j’avais essayé de m’imprégner sincèrement des us et coutumes des lieux afin de ne pas trop détonner. Invité chez le directeur de publication de l’Encyclopédie Britannica,  je fus allègrement introduit auprès de la fille de la maison. Je me mis en devoir d’embrasser la belle. Elle me regarda presque dégoûtée et me tendit la main. « Trou d’âne » pensais-je, « Good evening » dis-je, tendant la main avec un sourire complaisant. Elle dût percevoir mon désarroi si bien qu’elle se mit en quête de m’expliquer les raisons de son attitude ignoble. La conversation nous amena jusqu’à la sexualité Californienne relativement surprenante pour moi. J’appris ainsi, notamment, qu’un baiser était, pour une jeune californienne vierge, bien plus impliquant qu’une fellation. Je tentais d’expliquer par tous les moyens à ma disposition (dont mon anglais pitoyable de l’époque) qu’il n’y avait rien de rationnel là-dessous. Rien n’y faisait, elle ne voulait pas se rendre à mon avis. Insupportable petite peste siliconée, piercée et décérébrée.  

Arriva sa cousine Kendra… Ne souhaitant pas prendre un nouveau râteau en tendant la joue et désireux d’expliquer par l’exemple qu’un baiser reste, a priori, moins impliquant qu’une fellation, Je portais la main à hauteur de ma braguette en disant d’une vois suave et câline « Good evening, I respect your traditions… »

La fille de la maison s’enfuit en me maudissant moi et mes huit prochaines générations. La cousine hésita entre éclater de rire ou mon visage contre un mur.

Après lui avoir expliqué les tenants et les aboutissants de ce geste désespéré pour faire comprendre mon point de vue, nous avons passé une excellente soirée et avons vécu une jolie histoire.

Moralité : aucune.